Une vie après Photoshop ?

Notre stage Photoshop de 2004. Pas de vidéoprojecteur, très peu de portables ; l’essentiel du matériel est prêté par le CNET.

 

Cela va bientôt faire vingt ans que le club a commencé à s’intéresser à la photo numérique et à faire des formations sur Photoshop. Pourquoi Photoshop ? Quand nous avions commencé (97-98), il n’y avait guère le choix. Il fallait :

  • des possibilités très étendues pour la retouche et le montage (plus précisément, une bonne implémentation des corrections par courbes et de bonnes fonctions de sélection pour des retouches localisées) ;
  • un fonctionnement à la fois sur MacOS et sur Windows ;
  • un fonctionnement le plus poussé possible en retouche non destructive.

Un peu plus tard, une bonne gestion de la couleur est venue s’ajouter à ce cahier des charges. Bref, il n’y avait pas d’alternative.

Le logiciel était très coûteux, mais on pouvait l’obtenir à moindre prix. Pendant quelque temps, une version allégée a été distribuée en prime avec divers scanners à plat, version qui donnait accès ensuite au produit complet au prix d’une simple mise à jour ; ensuite, on pouvait très bien travailler en ne faisant qu’une mise à jour sur trois. Ça restait coûteux, mais raisonnablement — la photo était encore un loisir onéreux. Cette voie d’accès à Photoshop s’est fermée quand Adobe a arrêté sa version allégée au profit de Photoshop Elements, une version réduite destinée au plus grand nombre, mais avec de grosses lacunes en retouche interdisant tout travail poussé sur les images (entre autres, ni courbes ni masques de fusion), et surtout sans possibilité de passage à la version complète. La situation s’est débloquée plus tard (2010) quand la Fédé a obtenu l’accès au tarif pédagogique pratiqué par Adobe — en gros, tous les prix étaient divisés par 4, y compris les mises à jour. De 2010 à 2015, pas moins de 75 de nos membres ont ainsi acheté une licence légale pour Photoshop.

Même pudiquement, il faut tout de même dire un mot de la période intermédiaire, où certains de nos membres ont trouvé des Photoshop pour beaucoup moins cher. Le club n’a jamais encouragé les pratiques douteuses, mais il est clair que certains de nos membres bien informés des recoins cachés du web ont pu secourir d’autres membres peu au fait de ces pratiques.

Cet état des choses s’est fissuré en 2015 quand Adobe a cessé de vendre ses logiciels pour les louer mois par mois. Sa proposition s’accompagnait d’avantages considérables : des tarifs beaucoup plus bas — en gros le tarif pédagogique pour tout le monde, davantage encore si on prenait d’autres logiciels comme Illustrator ou InDesign — et des mises à jour permanentes sans supplément de prix. A titre indicatif, Adobe propose actuellement le couple Photoshop + Lightroom pour 12€ par mois. Ce n’est objectivement pas cher, mais ça s’ajoute aux abonnements de toute nature, pour la musique, pour le cinéma, pour les logiciels Microsoft, etc. Il n’y a plus de tarif pédagogique. La Fédé a bien obtenu une petite ristourne mais l’adhésion à la Fédé coûte plus cher que cette ristourne.

La pierre d’achoppement est que ces logiciels loués cessent de fonctionner quand on arrête de payer. Cela n’arrêtera pas l’adhérent profondément accro qui n’envisage pas un instant de vivre sans photographier et sans retravailler ses photos ; il y a bien le risque que l’entreprise Adobe disparaisse, sans qu’on sache ce qui arriverait ensuite, mais ce n’est pas demain la veille. Le problème concerne tous les débutants qui viennent passer quelques années au club pour apprendre à maîtriser leurs photos et à les travailler et qui ne savent pas vers quoi ils se tourneront plus tard. Pourront-ils rouvrir leurs images quand leur Photoshop sera désactivé ou sont-ils condamnés à rester liés à Adobe ? En tant que débutants, nous les encourageons à utiliser les ressources non destructives de Photoshop et à enregistrer dans son format spécifique, afin de pouvoir reprendre à tout moment leurs retouches au fur et à mesure de leurs progrès. Cette pratique pourrait être remise en question.

Nous sommes donc amenés à rouvrir la question que nous avions close en 1998 : existe-il des alternatives viables à Photoshop, que nous pourrions utiliser et conseiller aux débutants dans nos formations à l’image numérique ? Il y a eu du neuf en 2016. Au moins deux logiciels existent qui remplissent le cahier des charges donné plus haut, qui ne sont pas chers, moins de 100 €, qui sont acquis à titre définitif , et qui, en prime, ouvrent la plupart des images de Photoshop (seuls les calques d’objets dynamiques ne restent pas fonctionnels une fois ouverts) : Affinity Photo et PhotoLine . Nous avons fait une petite présentation du premier lors de notre dernière réunion numérique.

Dans les deux cas, il s’agit de logiciels très ambitieux. A en croire leurs auteurs, ils pourraient faire tout ce que demande un amateur éclairé, voire exigeant, peut-être pas avec le même confort d’utilisation que Photoshop, mais vu le prix… Mais est-ce bien vrai ? J’ai commencé à explorer le premier comme le ferait un néophyte. Il y a clairement des lacunes ou des imperfections, mais on en est encore aux toutes premières versions du logiciel et on peut espérer qu’il ne s’agit que de problèmes de croissance, que les versions suivantes devraient résoudre.

A suivre, donc. Il va ensuite y avoir du pain sur la planche pour les animateurs : si nous en adoptons un, il faudra réorienter toutes nos actions de formation autour de ce nouveau logiciel. Sans pour autant abandonner Photoshop, notre MOOC étant venu à point nommé pour pérenniser nos formations antérieures.

Charles Vassallo, mars 2017

 

 

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