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Highkey et lowkey
version : juin 2015

Qu’est-ce que c’est ?

Attention, le web raconte beaucoup de choses sur ce sujet — certaines bonnes mais d'autres beaucoup moins —, et le non-initié aura du mal à trier.

A la base, ce sont tout simplement des images avec une prédominance de tons clairs (highkey) ou sombres (lowkey). Ce déséquilibre peut être naturel. Par exemple, une scène de neige conduit naturellement à des images très claires si on pose pour la lumière ambiante. Mais aussi bien, on peut sentir que ce déséquilibre provient d'une volonté délibérée de l'auteur, qu'il résulte d'une installation particulière de la scène photographiée ou bien du traitement ultérieur de la photo, et c'est souvent dans ce cas qu'on parle de travail en highkey ou en lowkey.

 Figure 1 – «Sacred and Profane Love», peint par Giovanni Baglione vers 1602




Il n'y a toutefois nulle part de définition bien précise de ces deux termes et cela peut générer des malentendus. Par exemple, on a parfois du mal à distinguer lowkey et clair-obscur (chiaroscuro en italien et en anglais) ; on trouve bel et bien des tutoriaux qui ne font aucune différence entre les deux [LKtuts]. En fait, le clair-obscur concerne des œuvres basées sur un contraste fort entre les tons sombres et les tons clairs, comme dans l'exemple ci-contre, mais généralement sans que les uns ou les autres prédominent au point de donner la sensation d'une image très claire ou très sombre et aussi sans qu'on puisse parler d'une image sous-exposée — bien évidemment, se contenter de sous-exposer pour faire du lowkey serait un peu trop facile !


La figure suivante montre deux exemples typiques :  Figure 2 — Exemples d'images en highkey (à gauche) et en lowkey (à droite). Passez la souris sur l'image pour voir les pixels partiellement surexposés à gauche ou sous-exposés à droite (c'est l'affichage qu'on obtient dans un réglage de niveaux par un ALT-clic sur le curseur des blancs ou des noirs).

Dans l'idéal, l’histogramme devrait être complet (du noir au blanc) et sans écrêtage, sauf, peut-être, pour des fonds complètement blancs en highkey ou noirs en lowkey. Ce n'est pas tout à fait le cas pour les deux images précédentes (passez la souris dessus pour voir ce qu'il en est) mais on peut convenir que l'écrêtage n'y est pas très important. On va parfois beaucoup plus loin, créant ainsi délibéremment de gros aplats blancs ou noirs qui n'existaient pas dans la scène photographiée, mais ce devrait être un choix délibéré du photographe, une audace bien assumée et non pas une maladresse due au manque de métier. Nous reviendrons plus loin sur cette possibilité.


Comment ça se fabrique ?

Du temps de l’argentique, on faisait du highkey à partir d’objets clairs sur un fond blanc, avec un maquillage spécial pour les portraits ou les nus, et avec un éclairage spécial atténuant les ombres ; pour le lowkey, on prenait des objets sombres et un autre type d’éclairage. On choisissait le temps de pose et le traitement chimique de manière à ce que les tons très clairs de la scène ressortent très clairs en highkey mais non saturés au final ; pour le lowkey, les tons sombres devaient ressortir en sombre mais pas noirs. Et bien entendu, on avait très peu de possibilités de retouche. Tout cela fait que les photographes venant de l’argentique ont tendance à dire que tout vient de la préparation de la scène et de son éclairage et fort peu du post-traitement. Par exemple, Olivier Chauvignat est catégorique, «un High-Key ne se fait pas dans Photoshop» [CHAU]. Cela va sans dire, il en serait de même pour le lowkey, et, bien évidemment, ça ne se prépare pas du tout de la même façon.

En guise de réponse, on pourra méditer sur l'image suivante à laquelle Photoshop permet de donner aussi bien un rendu highkey qu'un rendu lowkey fort convaincants l'un et l'autre :

  • original
  • lowkey
  • highkey
  • Figure 3 – Images et démonstrations données par «Bour Brown» sur le forum fr.rec.photo en 2012. Passez la souris sur les liens à droite pour avoir les rendus lowkey ou highkey de «Bour Brown» pour cette image ou cliquez dessus pour en figer l'affichage. Bien noter que ces traitements n'impliquent quasiment aucun écrêtage des RVB ; ce n'est pas évident en lowkey à la simple vue de l'histogramme, mais passez la souris ici pour avoir une visualisation précise des pixels écrêtés dans ce rendu.

    Pour autant, il ne faudrait pas conclure trop vite que le post-traitement est défini­ti­ve­ment devenu souverain à notre époque numérique. On sait bien que le travail sous Photoshop est d'autant plus facile qu'il y a moins de corrections à faire et on se trouvera généralement bien de préparer les photos en vue du futur rendu highkey ou lowkey. Cela commence évidemment par le choix des sujets et surtout de leur éclairage

    Nous avons bien été obligés de recourir à quelques précautions de langage parce que, à première vue, avec ses différents rendus à partir du même éclairage, la figure 3 s'inscrit en faux contre ces conseils. Toutefois, si vous essayez de refaire le travail de Bour-Brown à partir de son image originale (cliquez ici pour en obtenir une version de 1200 px), vous constaterez vite que son rendu lowkey est considérablement plus difficile à reproduire que son rendu highkey. On pouvait s'y attendre : comme la photographie originale a prise avec un éclairage assez doux très éloigné d'un éclairage pour clair-obscur, en tirer un rendu lowkey demande un travail important.

     Figure 4 – Photo de Constance Fein Harding. On trouvera d'autres natures mortes intéressantes en highkey ou en lowkey sur son site.

    On est habitué à associer le rendu highkey à certaines photos de mode ou de nus avec des visages ou des corps très pâles. Il ne faut cependant pas croire que ce rendu ne soit réservé qu'à des sujets clairs ; ce qui compte est la prédominance des tons clairs dans la globalité de la scène. L'image ci-contre en donne une démonstration : c'est manifestement un highkey bien que son sujet principal, la fraise, soit photographié avec des couleurs et un modelé tout à fait normaux. On aurait le même équilibre général das valeurs si la fraise était simplement posée sur le fond blanc mais l'image serait banale. Ici, l'intérêt de l'image vient du contraste entre la vigueur des couleurs du fruit et la délicatesse des tons très clairs de la tasse. Incidem­ment, il n'y a rien de surexposé dans le fond blanc.

    On pourrait faire une analyse similaire du highkey de la figure 2.



    Le travail dans Photoshop

    En highkey, l'essentiel du travail consiste simplement à éclaircir les tons clairs sans les surexposer et sans toucher aux tons sombres. Avec un calque de réglage par courbe, on peut s'y prendre de deux manières

     Figure 5 – Courbes pour faire du highkey

    On peut montrer que la 2ème façon de faire est toujours équivalente à l'action d'une courbe de type A. Elle est évidemment plus compliquée, mais elle a deux avantages :

     Figure 6 – Corrections «highkey» appliquées à une charte de gris. La charte «1» est la gamme de gris originale. La charte «2» est ce qu'on obtient en appliquant les recettes précédentes et on note le décrochement des tons 55 et suivants par rapport aux tons plus sombres. Pour rétablir un étagement régulier des tons, il faut éviter la rupture de pente dans la correction globale et cela peut se faire tout simplement en appliquant un flou gaussien suffisant au masque (charte «3»). A noter qu'on peut aussi opérer avec un masque vide en modelant plus soigneusement la courbe de correction «A» de manière à éviter toute rupture de pente, mais ça ne simplifie évidemment pas l'application de cette technique.

    Ce 2ème effet n'est pas toujours sensible. On peut toujours essayer de flouter le masque et voir si ça arrange la perception de l'image. Un autre effet du floutage, plus discutable, est qu'il entraine un léger lissage des tons clairs (cela se voit dans la figure précédente) ; ça augmente leur douceur mais on peut aussi juger que ça induit trop de flou dans l'image – on parlerait plutôt d'une sorte de ouatage mais il y a bel et bien du flou dedans. On pourra alors remplacer le flou gaussien par un flou de surface.


    Le travail en lowkey est tout à fait similaire, en échangeant tons clairs et tons sombres ; il faut assombrir les tons sombres/médians sans toucher auxtons clairs. Dans le travail avec le masque, c'est la sélection des ombres qu'on chargera dans le masque (c.à.d. l'inverse de la sélection des lumières).

    Enfin, bien entendu, cette correction highkey ou lowkey n'est que la première étape du travail, concernant un ajustement global des valeurs de l'image. Ensuite, comme sur n'importe quelle image, on pourra continuer par des modifications de telle ou telle partie de l'image en luminosité, en contraste ou en accentuation.

    Highkey et surexposition

     Figure 7 – Autour de la galerie de Diane,
    dans le palais Venaria de Turin

    L'image ci-contre a été publiée par «darko82» sur Flick'r. C'est évidemment un highkey, mais où l'auteur a franchement surexposé la prise de vue. Les tons les plus clairs ont été brûlés, avec même un gros aplat blanc, quasiment sans plus plus aucune matière dans ce qui reste de ces tons. L'image n'est pas pour autant dénuée d'intérêt, au contraire, mais elle ne contient évidemment rien de la sensualité des tons clairs dans les highkeys «classiques». Ici, les tons les plus clairs n'ont plus d'intérêt par eux-même, ils ne valent que par le contraste qu'ils offrent au reste de l'image.

    Pour vous faire une idée de ce qui a ainsi disparu (et de décider si ça en valait la peine), passez la souris ici pour voir une autre photo (anonyme) de la même scène avec presque la même composition, mais un temps de pose plus raisonable, c.à.d. encore surexposée, mais très peu. Et aussi, pendant que nous y sommes, passez la souris ici pour voir un essai de highkey classique (c.à.d. sans aucun pixel brûlé) pour cette même galerie — et essayez de deviner si «darko82» aurait pu faire son image, ou quelque chose d'approchant, sans céder à la facilité de la surexposition...

    On trouvera dans le groupe Overexposed de Flick'r beaucoup d'autres images dont les auteurs ont plus ou moins flirté avec de fortes surexpositions (on y trouve aussi des images qui n'ont vraiment rien à y faire...), mais, pour ma part, je n'ai pas trouvé grand chose d'aussi intéressant que l'image précédente.

     
     Figure 8 – « Bikini », de Carine Magescas.

    On peut évidemment aller beaucoup plus loin dans la surexposition... et se poser encore plus de questions sur l'intérêt du procédé. Carine Magescas (ci-contre) est certainement allée au bout de la démarche. Sur le plan de la technique photo­gra­phique, il est certain qu'il ne reste plus grand chose sur l'image, mais comment ne pas ressentir cette plage écrasée par la lumière et la chaleur ? En puis, last but not least, imaginez donc cette image tirée en en 1,30 m de base...

    Bref, la surexposition est une technique facile pour éclaircir une image et lui donner un rendu highkey, mais, ce faisant, l'image s'appauvrit de tout ce qui a été brûlé. A l'auteur de prendre ses responsabilités : ça peut constituer une simplification salutaire au propos tenu par l'image, mais si ça ne convainc pas, on risque d'y voir le signe d'une technique insuffisante.

    Lowkey et sous-exposition

    La sous-exposition à la prise de vue permet évidemment de faire du lowkey à bon compte... mais le problème est justement que l'image n'ait pas l'air sous-exposée par erreur et qu'on n'ait pas immédiatement envie de lui donner un peu plus de luminosité.

     Figure 9 – Exemple de lowkey sous-exposé (ici, de 2,5 EV). Passez la souris sur l'image pour voir comment on peut reprendre la luminosité afin de mieux occuper la dynamique de l'image.

    La figure ci-contre en donne un exemple. Elle a été empruntée au tutorial [LKtuts] ... sans que le texte précise clairement si c'est un exemple à suivre ou non. Là encore, c'est à l'auteur de prendre ses responsabilités, mais à mon avis, ce genre d'image sera difficilement acceptée si on la présente seule, hors de tout contexte qui justifierait ce traitement. Il faudrait quelque part dans l'image un élément beau­coup plus lumineux qui viendrait se placer sur la droite de l'histogramme, afin de bien caler celui-ci.

     Figure 10 – Courbes simulant une surexposition ou une sous-exposition.

    On pourrait penser que la sous-exposition en lowkey joue le même rôle que la surexposition en highkey, mais ce n'est pas le cas. La figure ci-contre montre comment on peut simuler ces deux situations par une correction par courbe. Une image surexposée garde un histogramme complet — c.à.d. qui va toujours du noir au blanc —, mais les pixels qui ont été écrêtés sont définitivement perdus. En sous-exposition, l'histogramme ne va plus jusqu'au blanc (et c'est précisément ce qui donne l'impression de sous-exposition), mais les détails les plus sombres ne sont pas perdus pour autant, ils sont simplement très difficiles à percevoir.

    La courbe en rouge montre ce qu'il faudrait faire pour avoir le pendant de la surexposition en highkey, c.à.d. conserver un histogramme complet et avoir un écrêtage des tons les plus sombres ; c'est impossible à réaliser à la prise de vue.

     Figure 11 – Détail du lowkey de la figure 2. Passez la souris sur l'image pour voir comment les tons sombres peuvent revenir.

    La figure ci-contre démontre que les tons les plus sombres d'un lowkey ne sont pas forcément irrécupérables (passez la souris sur l'image) ; j'ai travaillé à partir du fichier JPEG récupéré sur le web.

    Du coup, on peut se demander si l'assombris­sement dans la photo initiale n'était pas quelque peu excessif...


    Sans aller jusqu'à la sous-exposition massive de la figure 9, j'ai constaté en préparant cet article que beaucoup des images lowkey proposées sur le web souffraient d'une légère sous-exposition, de l'ordre de 0,5 à 1 EV — même dans les excellents tutoriaux que j'ai cités. Cela en renforce évidemment le caractère lowkey, mais généralement au détriment du tonus de l'image. A mon avis, il faut retoucher.


    Figure 12 – Courbes pour corriger une légère sous-exposition dans une image lowkey

    On voit ci-contre l'histogramme d'une telle image. Une simple égalisation des niveaux (courbe A ci-contre) mettrait généralement trop de lumière dans l'image. On préférera une courbe du type B, qui descend rapidement dans les tons les plus clairs et qui retrouve les valeurs originales pour les tons sombres. Ainsi, la plus grande partie de l'image ne sera pas modifiée, mais les touches de haute lumière auront bien plus d'éclat. Le caractère clair-obscur de l'image, jamais très loin en lowkey, sera renforcé.





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